Le souffle chaud court sur sa nuque, arrachant au passage un long frisson. Sa main part à la recherche d'une joue sur laquelle se poser. Le corps entier frémit de désir. Elle le veut comme elle n'a jamais voulu personne. Elles le veulent. Le torse chaud contre son dos lui donne la force de résister aux appels incessants de l'autre. La seule qui ne se fait pas discrète. L'excitation est doublée avec l'autre. La sensibilité aussi. Les doigts glissent le long de sa poitrine, y suivent les différentes courbes. Elle sent la virilité se presser contre le creux de ses reins. La bouche se perd près de son oreille puis le long de son cou. Un sourire apparaît. Affamé presque carnassier. Ce n'est pas le sien. Le contrôle lui échappe. La présence de l'autre grandit à l'intérieur. Elle veut vivre l'instant et sous la lutte le crâne menace d'exploser. Bronwen se rattrape à tous les détails autour d'elle, toutes les caresses dont il l'honore. Avec les années, elle a appris à faire semblant et de la bataille intérieur, rien de transparaît sur son visage. Une fois débarrassée de ce dernier morceau de linge, elle se retourne pour lui faire face. Les relents d'alcool sont ignorés. Elle ne pense qu'à ces mains meurtrières qui se posent sur elle. Découvrent avec passion les courbes qui ne demandent que ça. Les regards se croisent et l'écran noir s'invite. Il tombe d'un coup et laisse Joan complètement frustrée par ce manque de générosité.
Les ongles coulent entre les cheveux pour éliminer les derniers nœuds. Assisse en tailleur sur son lit, elle attend comme presque tous les matins l'heure où on viendra faire glisser la porte de sa cellule pour la libérer de cet enfermement. Bronwen n'a pas fermé les yeux pour la troisième nuit consécutive et les signes commencent à être visibles. Les traits tirés qu'elle rafraîchira avec un coup d'eau froide. Les membres tremblants de fatigue qu'elle tentera de cacher un maximum. L'irritabilité qu'elle mettra sur le dos d'un Roscoe bougon. Mais la perte de contrôle, elle ne pourra rien n'y faire. Ils en profitent car avec le manque de sommeil, elle n'arrive plus à lutter. Eux, ils se reposent plus ou moins. Profitent de quelques instants pour disparaître complètement et restaurer leur énergie. C'est comme ça qu'elle tient le plus souvent, grâce à eux. Les lucioles partagent les forces pour éviter que le corps s’effondre. Ils aiment ça même s'ils s'inquiètent, mais pour eux, c'est beaucoup plus facile d'envoyer la petite Bronwen dans les méandres intérieurs quand elle n'a plus aucune force pour objecter. Alors que l'absence de l'annulaire profite à quelques nœuds qui échappe à l'extermination, les lucioles se chamaillent déjà le corps. Elle les entend, mais ne les écoute pas. Un charabia indistinct. Des murmures et quelques fois un mot plus haut que l'autre, elle sursaute. L'attention déjà fragile est quasiment absente avec le manque de sommeil. C'est une coquille vide assisse sur un lit inconfortable. Une victime aux doigts ensanglantés et aux démons féroces.
Il court. Il hurle. Il frappe de ses poings cruels les parois de la cellule dans laquelle les autres l'ont enfermé. Le silence puis le rire. Il éclate d'une joie sadique en relâchant les bribes des souvenirs funestes. Il est là. Il ne l'a jamais quitté et de sa cage il surveille. Attend le meilleur moment pour s'évader de nouveau. Lui, le fou aux idées sadiques. Ou elle. Les lucioles sont les seuls à savoir qui est ce criminel. L'un des leurs. Le sauveur et le destructeur. L'amour se mêle à la peur. L'admiration à la haine. Mais ils ne doivent faire qu'un.
Tu le cherches, n'est-ce pas? Bien évidemment. Le sourire en coin, les mains dans le dos et l'allure joueuse. Elle a réussi à se libérer de l'atelier cuisine après avoir laissé brûler les sablés. La fatigue a-t-elle raconté.
Elle ne dort pas et on trinque à sa place, vous comprenez ? C'est vraiment con cette histoire, surtout qu'ils avaient l'air bon, mes sablés. raconta-t-elle avec une moue attristée pour épouser le personnage.
Le meilleur serait vraiment que j'aille le voir pour lui en parler avant qu'elle ne revienne, vous pensez pas ? Il n'en pensa rien et la libéra d'un geste de la main, bien content de se débarrasser d'elle. Ils voient tous son jeu, ils comprennent ses tours de manipulation, les yeux de biche et la bouche qui s'ouvre pour donner un peu de plaisir. Certains en profite et d'autres feignent l'ignorance. La peluche se balance au bout du bras et les lanières du sac touchent le sol. Elle sautille dans les couloirs, se calme quand un employé croise sa route. La tête basse, les pieds traînent et un petit sourire poli montre un respect inexistant. Elle reprend sa route tout en rêvassant des derniers souvenirs qu'on lui a accordés. L'anatomie masculine contre le corps.
Ne fais pas ça! « Je vais me gêner. » Bronwen n'est plus sur le trône. Délogée sournoisement par la garce juste après le petit-déjeuner. Les portes s'ouvrent sur son passage et quand on lui demande où elle va, la voix la plus innocente répond qu'elle a vraiment besoin de le voir et qu'il l'attend. Un mensonge que personne ne prend la peine de vérifier. Ils ont l'habitude de la voir se promener et pour être certaine de ne pas être renvoyée à l'atelier, il lui arrive de faire semblant. Être une autre Luciole. Personne ne veut contrarier la petite Cat qui tient fortement la peluche contre sa poitrine. Quand c'est le cas, elle perçoit l'énervement de la véritable Cat, mais Joan n'en a rien à foutre. La dernière porte et le long couloir se présente à elle. Les portes puis les murs passent sous sa main gauche. Il ne faut que quelques minutes, ou peut-être plus, la luciole s'est laissée de nouveau absorber par les vagues souvenirs d'une nuit récente dans les bras d'un presque inconnu, avant que la porte ne s'ouvre. Un patient s'échappe du bureau, visiblement pressé de sortir de cette intimité que créer l'espace confiné. Absolument tout ce que la Joan veut. Le pied rapide empêche la porte de se refermer et une fois le fou hors de vue, elle se faufile à l'intérieur. Sans un bruit, elle referme doucement la porte.
« Bonjour. » Le visage s'est transformé en passant le seuil. La voix aussi, moins chantante. L'invitation n'est pas attendue pour s'avancer et s'installer sur le siège libre. La peluche tombe près des pieds et le dé métallique à l'intérieur heurte le briquet dans un bruit métallique.
«Faut qu'on parle. » Le ton ne laisse pas le moindre doute sur le sujet qu'elle veut aborder. La fameuse nuit. Le regard n'a pas quitté une seule fois le psychiatre. Elle le dévore des yeux.
« Je peux pas rester comme ça. » A faire semblant de n'être que simple psychiatre et patiente. Faire semblant d'être Bronwen alors que c'est encore Joan qui se trouve en face de lui.